L'instrument NOMAD, développé à l'Institut royal d'Aéronomie Spatiale de Belgique et actuellement en orbite autour de Mars à bord du satellite ExoMars Trace Gas Orbiter de l'ESA, a détecté une lueur verte d'oxygène unique dans l'atmosphère entourant la planète rouge (à environ 80 km d'altitude). Cette émission donne sa couleur caractéristique à l'aurore boréale terrestre et à la lueur de l'air, mais n'avait jamais été observée auparavant dans d'autres atmosphères planétaires en dehors de la Terre. Cette émission de lumière est créée par l'interaction entre le rayonnement solaire et le dioxyde de carbone, qui est le principal constituant de l'atmosphère de Mars. Sur Mars, en tant que grand laboratoire naturel, nous avons également réussi à mesurer simultanément les deux raies de l'oxygène dans le visible et l'ultraviolet, ce qui clarifie une controverse de longue date entre les calculs discordants de la mécanique quantique et les mesures atmosphériques sur Terre.
DOI: 10.1038/s41550-020-1123-2
L’incandescence de l’atmosphère
Sur Terre, l'oxygène incandescent est produit lors des aurores polaires, lorsque les électrons énergétiques du Soleil viennent frapper la haute atmosphère. Cette émission de lumière alimentée par l'oxygène donne aux aurores polaires leur belle teinte verte caractéristique.
L'aurore n'est cependant qu'un des moyens par lesquels les atmosphères planétaires s'illuminent. Les atmosphères des planètes, y compris celle de la Terre et de Mars, brillent constamment, de jour comme de nuit, lorsque la lumière du Soleil interagit avec les atomes et les molécules de l'atmosphère. C’est un phénomène communément appelé « airglow » (lueur de l’air).
Découverte de la raie verte sur Mars
Bien que l'on ait prédit l'existence d'une lueur du jour verte sur Mars depuis environ 40 ans, elle n'avait jusqu'à présent jamais été observée dans l'atmosphère d'autres planètes, soit parce que leur surface est trop brillante par rapport à l'émission de lumière atmosphérique, soit parce que les missions précédentes vers les planètes n'étaient pas équipées d'instruments sensibles à la lumière visible et ultraviolette. Pour remédier à cette situation, l'équipe NOMAD de l'Institut royal d'Aéronomie Spatiale de Belgique et de l'Université de Liège a décidé de réorienter le canal Ultraviolet et Visible (UVIS) de l'instrument de son orientation typique au nadir (en regardant directement la surface martienne) vers le limbe ensoleillé (le « bord » de Mars).
Entre le 24 avril et le 1er décembre 2019, l'équipe NOMAD a utilisé l'UVIS pour scanner des altitudes allant de 20 à 400 km de la surface martienne, deux fois par orbite. Dans chacune de ces observations au « limbe », l'instrument a détecté des signaux d'une luminosité frappante, à une longueur d’onde de 557,7 nanomètres (Figure 2, à droite), ce qui démontre l'omniprésence du dayglow vert. Le pic d'altitude principal était situé à près de 80 km d’altitude, et son intensité variait en fonction de la distance entre Mars et le Soleil, de l'heure locale et de la latitude des observations. Un deuxième pic d'émission a été observé à près de 120 km (Figure 2, à gauche).
Mars en tant que laboratoire naturel
Une autre émission plus faible de dayglow d'oxygène a également été observée à 297,2 nanomètres dans le proche ultraviolet (Figure 2, à droite). Une telle mesure simultanée de deux raies de l'oxygène dans le spectre visible et ultraviolet est tout à fait unique. Elle a permis de déduire directement un rapport de 16,5 entre les intensités des émissions visibles et UV, ce qui est difficile même en laboratoire sur la Terre.
Un modèle photochimique, développé à l'Université de Liège, a été utilisé pour mieux comprendre cette lueur verte sur Mars, et pour la comparer à ce que nous voyons autour de notre propre planète. Le modèle a permis de reproduire l'altitude et la luminosité de la couche d’airglow. Il a en outre indiqué que la lueur verte sur Mars est principalement produite lorsque le principal gaz de l'atmosphère de la planète rouge, les molécules de dioxyde de carbone (CO2), est décomposé en ses parties constitutives : l'oxygène (O) et le monoxyde de carbone (CO) par la lumière solaire ultraviolette lointaine. Les atomes d'oxygène qui en résultent brillent dans le visible et l'ultraviolet.
Notre résultat est en accord avec les modèles de la physique atomique, mais contredit les observations antérieures faites sur l’airglow et les aurores boréales de la Terre. Le rapport d'émission de 16,5 trouvé dans cette étude sera considéré comme une norme pour les mesures reliant les régions spectrales de l'ultraviolet au visible. Ce résultat a des conséquences pour l'étude des processus auroraux et d’airglow et pour l'étalonnage spectral des instruments optiques.
Contact
- Ann Carine Vandaele, Principal Investigator de l'instrument NOMAD - Ann-Carine (point) Vandaele (arobase) aeronomie (point) be
- Stéphanie Fratta, Responsable Communication – Stéphanie (point) Fratta (arobase) aeronomie (point) be
Plus d'informations
- Ces observations sont rapportées dans une lettre intitulée “Detection of green line emission in the dayside atmosphere of Mars from NOMAD-TGO observations”, par J.-C. Gérard et al., publiée le 15 juin dans Nature Astronomy.